L’idée m’est venue de mes visites chez un coiffeur il y a une quinzaine d’années. Fréquenter les coiffeurs classiques d’aujourd’hui ne m’avait jamais plu – embarras, irritation provoquée par les discussions insignifiantes. Donc, lorsque j’ai appris que le mari d’une de mes collègues était un coiffeur à la retraite qui coiffait quelques clientes chez lui, j’ai été tout de suite intéressée. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’était le calibre de nos discussions ! Monsieur G. était un Juif excentrique et extravagant qui aimait aborder tous les sujets possibles. Nous avions les conversations les plus fascinantes, et je ne pouvais m’empêcher de penser que l’idéal aurait été que des personnes de confessions et d’origines différentes puissant se joindre à nos conversations. Il exprimait ses opinions franchement et de manière théâtrale, toutefois, que nous soyons d’accord ou pas, aucun de nous deux ne se vexait. Il m’a avoué qu’il en avait plus appris avec moi qu’à travers ses discussions avec son rabbin, avec qui il devait surveiller ses propos.
J’étais professeure d’anglais dans un collège, et je me suis vite rendu compte à quel point il était facile de perdre ses illusions quant à ma profession. Mon école se distinguait par une immense variété de milieux et de croyances, et j’aimais le chaos qui y régnait. Quand on débute en tant que jeune enseignante, on est souvent idéaliste, mais on peut rapidement devenir se fatiguer et devenir blasée. J’ai commencé à détester le jargon des enseignants et le politiquement correct, ainsi que l’obsession constante de réussir aux examens. Cependant, derrière cette lassitude, j’ai découvert que je me souciais de ce qui arrivait à mes élèves, et les lettres anglaises était un excellent moyen pour partager ses idées. Les adolescents semblaient toujours libres de s’exprimer comme ils l’entendaient durant mes cours, et j’encourageais cela. J’étais mère de quatre adolescents et co-monitrice d’un groupe local de jeunes. Et je ne me lassais jamais d’écouter les idées de ces adolescents, même s’ils me rendaient folle ! Chez nous, mes enfants s’exprimaient librement et mon mari et moi n’avons jamais tenté de les empêcher de dire ce qu’ils pensaient. On riait souvent à la maison ! Un visiteur venu d’Afrique nous avait dit que nous aurions dû le prévenir de prendre une assurance contre les côtes cassées avant de venir chez nous !
Bien qu’aucun de mes enfants n’ait tenté de se suicider à l’université (heureusement), une de mes filles a fait une grave dépression quand elle était encore à la maison, et j’en ai beaucoup appris sur les traitements pour les jeunes offerts par les services de santé mentale. Elle a été sauvée par ses frères et sœurs qui l’ont merveilleusement soutenue, taquinée, ont essayé de la faire rire et lui ont offert une épaule sur laquelle pleurer. J’ai également entendu parler de certains problèmes rencontrés par des amis de mes enfants quand ils se trouvaient à l’université loin de chez eux, et il y a malheureusement eu de nombreux cas de suicide dans les universités en Grande-Bretagne. Plusieurs des conversations dans ce livre sont en réalité des conversations que j’ai eues avec des jeunes.
Lorsque je suis passée de professeure à aumônière – j’ai été ordonnée à l’Église anglicane pour ce faire – j’ai participé à des événements interreligieux et j’ai été invitée à assister à des services religieux dans d’autres lieux de culte. J’ai également pu constater de première main, lorsque j’étais membre du Conseil d’administration, les difficultés rencontrées par les écoles subventionnées par l’Église anglicane – primaire et secondaire – en ce qui a trait aux objections et aux préjugés des parents d’origines différentes. Il est rapidement devenu évident à quel point il est difficile d’atteindre une compréhension et une tolérance réelles dans notre société. Tous les épisodes de ce livre sont basés sur des événements réels, quoique, parfois, le contexte ait été modifié. J’ai répondu à l’appel qui m’a informée de la mort subite d’une parente âgée, et j’ai pensé qu’il s’agissait de celle de mon aînée qui souffrait de dépression. J’ai connu une élève qui appartenait à une famille pieuse, qui s’était vantée d’avoir mangé des saucisses à une fête, et j’ai eu affaire aux critiques de sa mère. Les réunions de parents et la manière différente dont chacune des cultures y a réagi ont toutes fait partie de mon expérience professionnelle. Les conversations bizarres durant les événements interreligieux sont tous basés sur des faits réels.
J’ai consigné beaucoup de ces épisodes dans mes carnets au fil des ans. Je ne savais pas comment les relier, jusqu’au moment de la pandémie où j’ai été témoin de la manière dont les confinements et les changements de règles en Angleterre ont fourni le lien parfait qui a servi à connecter les rassemblements chez le coiffeur, les événements interreligieux, les expériences à l’école, les joies et les frustrations dans les rapports avec les adolescents, les défis de la santé mentale chez les jeunes et le potentiel de maltraitance, ainsi que le systèmes de classes qui qui fait encore partie intégrante de la vie en Grande-Bretagne. Arrivée là, je m’étais beaucoup attachée à Mia et à sa famille, à Aïsha et à Johnnie, à Hadassah et Soraya, ainsi qu’au personnel et aux élèves dans l’école de Mia. Le livre aborde des sujets graves, en particulier en ce qui concerne la manière, dans notre société, de gérer la tolérance. Mais j’ai voulu accomplir ceci sur un ton léger pour que le plaisir de découvrir les personnages prime. J’espère que les lecteurs les apprécieront autant que l’autrice les a aimés !
NOTE DE L’ÉDITEUR :
Le premier élément qui m’a attiré dans ce livre est son ton : Admirateur inconditionnel d’Agatha Christie et de l’humour britannique, j’ai ressenti cet esprit dès le premier paragraphe, et immédiatement aimé le sourire qui m’est venu. Et j’ai su que c’était le type de sourire que je voudrais partager avec les lecteurs d’Eukalypto.
La deuxième sensation que j’ai appréciée est la liberté de parole, l’approche anti-politiquement correcte, la volonté d’exprimer clairement chaque pensée qui vient à l’esprit, mais avec toute la politesse, le respect et la retenue adéquates et britanniques. La plupart des dialogues se déroulant dans un salon, une certaine distance existe de fait entre les protagonistes mais, même dans les scènes familiales, Anne-Louise sait doser chaque mot pour tout dire sans blesser personne. En sautant d’un sujet à l’autre, tout en étant soutenu par une structure narrative rigoureuse, l’ensemble du livre ressemble à une conversation de salon de coiffure géante, et cette mise en abyme était aussi quelque chose que j’étais ravi de partager avec nos lecteurs.
Mais la facette la plus importante de ce livre est son message d’espoir, son invitation au dialogue inter-confessionnel. Partout dans le monde, les chocs culturels et religieux se succèdent à un rythme effrayant; un dialogue franc et sincère est indispensable pour combler le fossé entre les communautés. Remarquable observatrice des comportements et des personnalités, Anne-Louise fait preuve d’une compréhension étonnamment profonde et égale des différentes religions et cultures dépeintes ici, faisant de ce roman une lecture incontournable pour toute personne intéressée par le dialogue inter-religieux.
“Le Coiffeur de Finchley Road” est une invitation à communiquer et partager, de la manière la plus naturelle et la plus sincère qui soit, et, bien que raconté par une narratrice athée, ce roman aussi une prière pour la paix.
À PROPOS DE LA COUVERTURE :
Dès sa première lecture, le rédacteur en chef du livre a eu l'idée de la couverture. Il a personnellement rassemblé les différents éléments (le visage surpris d'une femme, des ciseaux et des symboles religieux), adapté ce qui devait l'être (comme vieillir la femme en utilisant FaceApp), et créé une maquette de base.
La graphiste est ensuite intervenue pour apporter de la cohérence et une identité visuelle forte, comme on peut le voir dans le résultat final.